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IA et impact environnemental : comment trouver l’équilibre ?

Article rédigé par Raphael Leggio

En accompagnant nos clients dans leurs projets data, nous voyons émerger une tension de plus en plus forte : comment adopter l’IA tout en restant cohérent avec des engagements RSE ambitieux ? La question revient sans cesse, et nous devons l’admettre : elle nous interpelle aussi. 

Le paradoxe est bien réel. D’un côté, l’IA ouvre des perspectives formidables pour optimiser les processus, réduire les gaspillages et mieux piloter l’activité. De l’autre, son empreinte énergétique est considérable, et difficilement compatible avec des trajectoires de neutralité carbone. 

Si nous ne prétendons pas détenir toutes les réponses, nous faisons ce que nous savons faire de mieux : explorer, expérimenter et partager. Nous testons aujourd’hui des approches qui nous semblent prometteuses, avec la conviction que la data et l’IA peuvent être mises au service d’une performance durable.

La face cachée de la data

La plupart des entreprises sous-estiment l’empreinte énergétique de leurs outils data. Trois raisons principales l’expliquent : l’invisibilité de la consommation, l’absence de métriques accessibles et le biais qui privilégie toujours le coût économique à l’impact environnemental. Pourtant, l’enjeu est bien réel : selon l’ADEME, le numérique représente déjà 2,5 % de l’empreinte carbone française, et ce chiffre ne fera qu’augmenter avec la démocratisation de l’IA.  

Le calcul pur n’est qu’une partie du problème : stockage, transferts, redondances viennent alourdir l’addition énergétique de manière silencieuse. La bonne nouvelle, c’est que les plateformes cloud commencent à fournir des métriques énergétiques. C’est encore récent, mais prometteur. Nous invitons régulièrement nos clients à explorer ces tableaux de bord : trente minutes dans une console cloud suffisent parfois à révéler de vraies surprises.  

L’objectif n’est évidemment pas de sacrifier la performance technique au nom de l’écologie. La vraie question est : comment concilier exigence opérationnelle et cohérence avec nos valeurs environnementales ? La réponse n’est pas simple, mais elle mérite d’être posée dès aujourd’hui.

Notre expérimentation : la sobriété pragmatique 

Commencer simple

Nous avons pris l’habitude de commencer par tester les solutions les plus simples. Non pas par facilité, mais parce qu’elles s’avèrent souvent plus efficaces qu’on ne l’imagine. Une régression linéaire bien calibrée peut parfois rivaliser avec des modèles beaucoup plus sophistiqués… tout en consommant infiniment moins. 

Avec le temps, notre approche a évolué. Aujourd’hui, notre premier réflexe est de nous demander : 

  • Avons-nous vraiment besoin d’IA pour résoudre ce problème ? 
  • Et si une solution plus simple apportait déjà 80 % du résultat ? 
  • Le gain supplémentaire justifie-t-il l’impact énergétique que cela implique ? 

Parfois la réponse est oui, parfois non. Mais ce qui compte, c’est d’avoir le courage de se poser la question — et de choisir la voie la plus cohérente. 

Optimiser avant d’innover

Avant de construire du neuf, nous avons pris l’habitude de faire le ménage dans l’existant. Ce n’est pas aussi glamour que l’innovation, mais c’est souvent bien plus efficace. Compression des datasets, suppression des doublons, ajustement des fréquences de traitement… Les petits gestes d’optimisation finissent par faire une grande différence. 

À chaque audit, nous découvrons des surprises : des calculs répétés inutilement, des données stockées en triple exemplaire, des processus qui tournent par habitude plutôt que par nécessité. Résultat : des économies substantielles, tant en coûts qu’en énergie. 

Cette logique s’applique aussi aux infrastructures. Pourquoi maintenir trois environnements séparés quand un seul, bien organisé, pourrait suffire ? Ces choix de mutualisation exigent un peu plus de rigueur, mais les gains — financiers, techniques et environnementaux — sont souvent spectaculaires. 

Conseils pratiques

Un premier pas concret : l’audit express

Vous voulez savoir où vous en êtes ? Voici une méthode simple et efficace. 

  1. Dressez la liste de vos usages IA. Ne vous limitez pas aux projets « étiquetés IA » : certaines solutions de BI, systèmes de recommandation ou outils d’automatisation en embarquent déjà, parfois sans le dire explicitement. 
  2. Consultez les métriques énergétiques de votre cloud. AWS, Azure et Google Cloud proposent désormais des tableaux de bord dédiés à la consommation énergétique. C’est gratuit, et disponible immédiatement. 
  3. Repérez vos plus gros consommateurs. Comme souvent, la règle des 80/20 s’applique : une minorité de projets génère la majorité de la consommation. Autant commencer par ceux-là. 

En quelques heures à peine, cette démarche permet déjà d’y voir plus clair — et réserve presque toujours des surprises. Comme ce petit outil, a priori anodin, qui se révèle en réalité énergivore. 

Des actions à effet immédiat

Certaines optimisations ne prennent que dix minutes à mettre en place… et font pourtant une différence immédiate. 

  • Programmez l’extinction automatique des environnements de développement la nuit et le week-end. Rien ne change pour les équipes, mais la facture énergétique peut baisser de 30 %. 
  • Adaptez la taille des instances cloud à l’usage réel. Par précaution, beaucoup d’entreprises tournent sur des machines surdimensionnées. Un simple ajustement permet de réduire la consommation — et les coûts. 
  • Planifiez les traitements lourds pendant les heures creuses. L’électricité y est à la fois plus verte et moins chère. 
  • Compressez vos gros datasets. On gagne souvent 50 % d’espace de stockage, ce qui réduit aussi le volume des transferts. 
  • Reposez la question du “temps réel”. Beaucoup d’analyses fonctionnent très bien avec des données rafraîchies une fois par heure ou par jour. 

Ces actions sont simples, rapides et peu coûteuses. Mais surtout, elles créent une dynamique vertueuse dans les équipes. Une fois la machine lancée, les changements plus profonds viennent naturellement. 

Surveillance intelligente : prévenir plutôt que subir

De simples algorithmes suffisent pour surveiller la consommation en temps réel et détecter les anomalies. Un modèle qui double soudainement sa consommation sans raison, une requête qui boucle à l’infini, un serveur qui tourne dans le vide… Ces situations sont plus fréquentes qu’on ne l’imagine, et l’automatisation les repère bien mieux qu’un suivi manuel. 

Mettez en place des alertes dès que la consommation franchit un seuil inhabituel : cela évite les mauvaises surprises en fin de mois et permet d’agir rapidement. L’idée n’est pas de surveiller les métriques de manière compulsive, mais de garantir un niveau de surveillance intelligent et proportionné, suffisamment fin pour détecter les dérives sans alourdir le quotidien des équipes.  

Pièges à éviter

Quand l’écologie freine l’innovation

Attention à ne pas tomber dans l’extrême inverse. Certains projets IA justifient largement leur consommation énergétique par les bénéfices qu’ils apportent. Un algorithme qui optimise la logistique peut consommer de l’énergie pour ses calculs tout en réduisant massivement les émissions liées au transport. Un système de prédiction de maintenance peut éviter des gaspillages bien plus importants que sa propre consommation. 

Il faut considérer le bilan global, pas seulement l’impact immédiat. Une approche trop rigide risque de faire passer à côté d’optimisations réellement pertinentes. 

Mesurer pour agir, pas pour se rassurer

Beaucoup d’entreprises s’arrêtent au monitoring : de beaux tableaux de bord, mais aucune action définie selon les résultats. La mesure n’a de sens que si elle guide des décisions concrètes. Fixez à l’avance des seuils et les actions associées. Sinon, vous risquez de mesurer pour vous rassurer, plutôt que pour vous améliorer. 

Expliquer, plutôt qu’imposer

Les changements de pratiques fonctionnent mieux lorsque les équipes comprennent le “pourquoi”. Contextualiser les enjeux, montrer les bénéfices concrets, reconnaître les efforts… Cela prend du temps, mais c’est nettement plus efficace que des directives imposées d’en haut. La sensibilisation aux impacts environnementaux du numérique modifie naturellement les comportements : les équipes conscientes des enjeux adaptent spontanément leurs pratiques. 

Vers une IA plus intelligente et durable

L’IA responsable n’est plus un sujet de niche réservé aux militants écologistes. Elle devient une attente normale, portée par les évolutions réglementaires, les exigences des clients et la logique économique. Les entreprises qui anticipent ces transformations prennent une longueur d’avance : elles développent des compétences, affinent leurs méthodes et construisent une réputation de responsabilité qui leur servira demain. 

Chez ActinVision, nous intégrons progressivement ces réflexions dans nos missions de conseil. Nous constatons un véritable changement de paradigme : nos clients ne se contentent plus de demander “Comment optimiser ?”, ils cherchent désormais à savoir “Comment optimiser de manière responsable ?”. Cette évolution nous pousse à être plus créatifs, plus efficients et plus réfléchis. Et souvent, le résultat est une solution plus intelligente, plus durable et mieux adaptée

IA et RSE ne s’opposent pas forcément : elles peuvent se renforcer mutuellement, ouvrant la voie à des innovations qui concilient performance économique et responsabilité environnementale. C’est un chantier en cours. Nous apprenons chaque jour, aux côtés de nos clients, ce qui rend le sujet encore plus passionnant.  

Source : ADEME – « Quels sont les impacts environnementaux du numérique en France ? » (2024)